La Fête Nationale Espagnole ne fait pas l'unanimité

Cette semaine, le 12 octobre, l’Espagne célèbre le Día de la Hispanidad, le Jour de l’Hispanité, l’autre nom par lequel on désigne la fête nationale du pays. Comme pour notre 14 juillet en France, c’est l’occasion de célébrations et de défilés militaires en présence des autorités politiques. Cependant, cette fête fait débat, notamment sa dénomination et le symbole qu’elle représente.

Pourquoi le Día de la Hispanidad est célébré le 12 octobre ?

Le 12 octobre a été choisi car il correspond au jour où le célèbre navigateur Christophe Colomb a posé le pied en Amérique du Sud, plus précisément lorsqu’il a débarqué sur l’île Guanahani, dans l’archipel des Bahamas.

Après avoir traversé l’Atlantique, les hommes de Colomb ont enfin crié « Terre ! », mais le chef de l’expédition était persuadé d’avoir découvert…les Indes. Par conséquent, les habitants de ces territoires que les Européens ont rencontrés se sont vu attribuer le nom d’ « Indiens ».

La découverte de cette nouvelle partie du globe le 12 octobre 1492 est devenue le symbole de l’union entre deux continents qui n’avaient jamais été en contact, l’Europe et l’Amérique. Cet événement a eu des conséquences déterminantes dans l’histoire des relations entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde, désormais connectés pour le meilleur et pour le pire.

Gravure de Théodore de Bry (XVIe siècle)

Des noms multiples pour la fête nationale espagnole

Lorsqu’en 1913, la date du 12 octobre a été choisie pour célébrer la fête nationale de l’Espagne, l’idée était de célébrer le lien historique qui unit l’Espagne aux pays latino-américains. La journée s’appelait originellement le Día de la Raza, le Jour de la Race, qui coïncidait en plus avec le jour de la Vierge du Pilier, la sainte patronne de l’Espagne et de la ville de Saragosse.

Cette fête du 12 octobre est également partagée avec les autres pays d’Amérique Latine mais beaucoup d’entre eux, l’Espagne y compris, en ont depuis changé le nom.

En Espagne, le premier changement a eu lieu en 1958, lorsque Franco a décidé d’appeler la fête Día de la Hispanidad, le Jour de l’Hispanité. En 1981, de nouveau, le nom est changé pour Fiesta Nacional de España y Día de la Hispanidad, Fête Nationale d’Espagne et Jour de l’Hispanité. Puis, en 1987, le 12 octobre devient Fiesta Nacional de España, qui élimine complètement les termes “raza” (race) et “hispanidad” (hispanité), trop connotés. Malgré tout, l’expression Día de la Hispanidad est restée dans le vocabulaire courant.

Certains pays d’Amérique Latine ont conservé le nom de Día de la Raza comme au Mexique, mais d’autres ont préféré opter pour une dénomination plus neutre avec une charge émotionnelle plus positive : en Argentine, le 12 octobre, on fête le Día de la Diversidad Cultural Americana, le Jour de la Diversité Culturelle Américaine) qui deviendra peut-être le Día del Respeto a la Diversidad Cultural, le Jour du Respect de la Diversité Culturelle tout court. Au Chili, la fête est rebaptisée Día del Descubrimiento de Dos Mundos, le Jour de la Découverte des Deux Mondes. Au Costa Rica, c’est le Día de las Culturas, le Jour des Cultures, en Uruguay, le Día de las Américas, le Jour des Amériques, et au Vénézuela, le Día de la Resistencia Indígena, le Jour de la Résistance Indigène.

L’ONU, de son côté, a déclaré le 12 octobre comme la Journée Mondiale de la Langue Espagnole, pour souligner le lien culturel profond entre les deux mondes.

Une fête qui divise

Les multiples changements de dénomination​ témoignent d’une volonté de renforcer la notion de partage de valeurs en mettant en avant la diversité culturelle, bien loin du souvenir de la colonisation et de ses méfaits.

L’écrivain uruguayen Eduardo Galeano s’était exprimé à propos de cette fête : “En 1492, les natifs ont découvert qu’ils étaient indiens, ils ont découvert qu’ils vivaient en Amérique, qu’ils étaient nus, que le péché existait, qu’ils devaient obéir à un roi et à une reine d’un autre monde et à un dieu d’un autre ciel”.

De nombreux pays d’Amérique Latine ont ainsi transformé l’appellation en un symbole plus positif et valorisant. En Espagne aussi le nom fait débat. En 2015, la maire de Barcelone, Ada Colau s’était insurgée contre cette célébration qui, pour elle, commémore le début d’un génocide. Selon elle, il n’y a rien à célébrer “ResACelebrar”.

Une année, le parlement de Navarre a décidé de ne pas célébrer le 12 octobre comme le Día de la Hispanidad : même s’ils garderont le bénéfice du jour férié, les Navarrais fêteront désormais le “Día de los pueblos indígenas y de respeto a la diversidad cultural”, le Jour de Peuples Indigènes et du Respect de la Diversité Culturelle. Cependant, en parallèle, au sein de ce même parlement, l’opposition a publié une déclaration son engagement pour la fête nationale espagnole, invitant les citoyens à participer aux animations prévues ce jour-là. Les clivages sont bien réels.

Alors que l’Espagne se confronte à un thème sensible du passé, pour la communauté latino-américaine émigrée​, cette célébration est l’occasion de se retrouver, d’apprendre à connaître ses voisins et de présenter aux gens les spécificités des cultures d’Amérique du Sud, souvent méconnues, à travers des danses, des spectacles et la gastronomie.

Nombreux sont ceux qui préfèrent voir en la date du 12 octobre un moment de partage autour de valeurs et d’aspects culturels communs, comme la langue hispanique par exemple.

À Barcelone, la journée est célébrée à travers des manifestations et des défilés. Nulle doute qu’avec le contexte politique de ces dernières années en Catalogne, ce 12 octobre aura une fois de plus une résonance particulière.

2 commentaires

  1. Bonjour.
    J’ai lu votre article avec intérêt. Intérêt qui a été provoqué par le titre choisi pour votre article. Bien entendu, en toute logique, votre article traite surtout la Fête Nationale espagnole en Catalogne car sur l’ensemble de l’Espagne, votre titre ne sapplique pas.
    Ceci dit, écrire que la Fête Nationale espagnole ne fait pas l’unanimité en Catalogne frise le pléonasme. En effet, vu la division de la société catalane actuelle, fruit de la qualité de ses hommes politiques, Il est pratiquement impossible de trouver un sujet qui ne fasse pas monter à la surface cette division.
    Vous citez également la Navarre et vous pourriez citer également le Pays Basque espagnol. Rien d’étonnant puisque la Pays Basque avait déjà pris la même direction que la Catalogne mais bien avant. Et la Navarre est l’objet d’un projet de phagocytation par le Pays Basque.
    La déclaration de Mme. Colau s’arrêtant sur le « genocide » n’est qu’une preuve de plus soit de son manque de culture soit de son manque d’impartialité.
    C’est comme si notre 14 juillet était jugé comme l’avènement du terrorisme (La Terreur) et un des plus grands massacres de l’histoire avec les guillotines faisant des heures supplémentaires pour raccourcir de 30 cm. des milliers d’innocents.
    En résumé, oui. La Catalogne est loin d’atteindre l’unanimité sur quelque sujet que ce soit. Et la France se devrait d’être vigilante si elle veut rester à l’abri du même virus.
    Recevez mes cordiales salutations,
    Emmanuel de MIGUEL-MORNET

  2. Beaucoup de monde paséo de gracia. Ambiance bon enfant et festive bien loin des messages agressifs qui appartiennent à l’heure de l’Europe comme issus du passé face à la paix entre les peuples.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Réservez Maintenant Réservez Maintenant
Ouvrir la conversation
1
Besoin d'aide ?
Hola! Bonjour !

En quoi puis-je vous aider ?