Les pavés de Barcelone sont de véritables éléments caractéristiques de la capitale catalane, à tel point qu’on les retrouve jusque dans les boutiques de souvenirs ! Retour sur un design emblématique.
Ils sont partout, on les croise, on les piétine chaque jour, rarement on y prête attention et pourtant, certains pavés sont devenus de véritables stars que l’on va retrouver jusque dans les boutiques de souvenirs. Sur les mugs, les sacs de toile, les cartes postales, les bijoux, les porte-clés et les logos de nombreuses entreprises, la « fleur » de Barcelone est devenue le symbole de la capitale catalane.
Petite histoire des pavés de la fleur de Barcelone
À partir du milieu du XIXe siècle, Barcelone va commencer la construction d’un nouveau quartier, l’Eixample, « l’extension » en catalan. (On en parle dans notre visite des Oasis de l’Eixample)
Lorsque les premiers immeubles apparaissent, les rues, elles, ne sont pas encore tout à fait aménagées. La plupart du temps, elles ressemblent plus à des chemins de terre, parfois recouverts de gravillons pour niveler le tout.
Le problème, c’est qu’en cas de pluie, ces rues devenaient un véritable cauchemar. Ceux qui vivent à Barcelone le savent, quand il pleut ici, cela ne dure pas très longtemps mais par contre, c’est souvent la douche !
À l’époque, donc, quand survenaient ces grosses pluies, les rues se transformaient en courants de boue qui dévalaient de la montagne jusqu’à la mer. D’ailleurs, les revues satiriques de l’époque dénonçaient régulièrement le manque d’intervention des pouvoirs publics à travers des dessins humoristiques, allant jusqu’à rebaptiser la ville « Can Fanga« , que l’on pourrait traduire comme « la maison / la ville de la boue ».
Pour éviter ces phénomènes, dégradants pour une ville qui voulait s’élever au rang des grandes capitales européennes, on a commencé à paver les rues. Dans l’Eixample, chaque propriétaire était responsable de la zone située jusqu’à 2,50m de son immeuble (le reste du trottoir était laissé en terre, pour planter des arbres). Chacun y allait donc de sa petite fantaisie en choisissant des pavés réalisés à base de ciment Portland, de sable et d’eau, comme ceux que l’on trouvait dans les appartements des immeubles bourgeois. On voit donc fleurir au sol, toute une variété de designs et de textures, jusqu’à ce que les autorités municipales décident de mettre un peu d’ordre dans tout ça.
En 1907, la commission en charge de mener à bien l’exécution du plan de l’Eixample pensé par Ildefons Cerdà rend obligatoire le pavage des trottoirs et décide de réaliser un concours pour en couvrir 10 000 m². À l’issue de ce concours, 5 motifs de pavés, de mêmes matériaux et de même dimensions seront retenus. Le pavé carré de 20 cm de côté, le « panot » en catalan, va donc recouvrir les trottoirs avec des motifs que l’on pouvait retrouver dans les intérieurs des appartements bourgeois, à la manière d’un tapis.
Depuis, il y a deux motifs de pavés qui sont devenus majoritaires, parce qu’ils sont pratiques, agréables pour marcher et parce qu’ils ont une valeur sentimentale : la tablette de 4 carrés et surtout, la « fleur » de Barcelone. La tablette est simple à réaliser et pratique si l’on doit remplacer un ou plusieurs carreaux puisqu’on peut la subdiviser. La fleur, quant à elle, permet en cas de pluie, de stocker l’eau dans ses rainures et marcher sans risque. Très vite, le panot de la fleur a été revendiqué par les Barcelonais comme le symbole du modernisme. Pratique et esthétique !
Ces motifs sont des reliques antérieures à 1907 ou encore des évolutions tardives qui n’ont pas eu le succès attendu :
Attention, ceci est un mythe !
On entend souvent dire que la fleur de Barcelone a été dessinée par l’architecte et homme politique catalan Josep Puig i Cadafalch, pour la Casa Amatller (cette maison qui sera toujours « celle à côté de la Casa Batlló ».)
Cependant, comme l’explique la chercheuse Danae Esparza dans son livre « Barcelona a ras de suelo« , si l’on s’intéresse au fameux pavé du hall de la maison de la famille Amatller, il est très différent de la fleur de Barcelone de 1907, par de nombreux aspects.
Déjà, le matériau utilisé pour la Casa Amatller, c’est de la pierre de Montjuïc et non du ciment. Ensuite, le motif représente bien une fleur, celle de l’amandier, pour faire allusion au nom de famille des propriétaires (« amatller » = « amandier » en catalan). Mais cette fleur est en bas-relief, un dessin réalisé individuellement et à la main, au burin, sur des pavés de dimensions réduites. Pour la fleur du panot de 1907, seul le contour est réalisé en bas relief.
Selon Danae Esparza, la fleur de la Casa Amatller aurait sans doute inspiré la Casa Escofet, grande entreprise catalane de pavage, pour la création d’un modèle industriel. Malheureusement, aucun document ne certifie clairement l’origine de la fleur que l’on connaît aujourd’hui, ni son auteur.
D’autres pavés devenus célèbres
Sur le passeig de Gràcia, et seulement à cet endroit, on trouve d’autres pavés, hexagonaux cette fois, avec un design plutôt original. Sachez que si vous empruntez cette belle avenue de Barcelone, vous piétinerez une œuvre de Gaudí !
Si vous regardez un seul de ces pavés, vous aurez du mal à trouver ce qu’il représente. Il vous en faudra 7 pour le comprendre. Vous voyez ce que cela représente maintenant ?
Ces pavés sont la représentation d’un fond marin, avec une ammonite (crustacé), une étoile de mer et des algues marines.
Les Barcelonais adorent ces pavés et surtout le puzzle qu’ils forment, à tel point qu’il y a quelques années, des étudiantes ont créé un hashtag sur Twitter, #SOSPanotGaudí : l’objectif est de préserver l’esprit et l’esthétique de ces pavés, qui fonctionnent de manière logique, en signalant à la mairie les erreurs de pose. Les citoyens qui remarquent les erreurs peuvent partager leurs photos sur Twitter, en étiquetant #SOSPanotGaudí. L’initiative s’est un peu essoufflée, mais cette idée qu’ont eu les étudiants nous montre que les pavés sont un sujet émotionnel à Barcelone.
Les derniers panots à avoir fait parler d’eux sont ceux qui ont recouvert une partie de l’avenue Diagonal, depuis le Passeig de Gràcia jusqu’à la place Francesc Macià. L’installation de ces nouveaux pavés s’est faite en 2015, entraînant une belle polémique : le design qui représente une feuille de platane en relief s’est très vite révélé glissant et peu agréable pour les pieds. S’ajoute à cela le fait que seulement 6 mois après leur installation, il a fallu remplacer de nombreux pavés qui s’étaient déjà cassés.
Bref, à Barcelone, de simples petits « panots » de 20×20 cm continuent de susciter d’intenses débats artistiques, techniques, citoyens, politiques et surtout, affectifs.
Salut,
Je crois bien que cet article pourrait t’intéresser…
JP
Bonjour Jean-Pierre,
De quel article parlez-vous ? Cela peut en effet nous intéresser ! 🙂
Florence S.
Merci pour cet article qui m’en a beaucoup appris sur ces fameux « panot » qui énervent beaucoup ma fille quand elle est en trottinette!
Avec plaisir ! C’est vrai que certains pavés ne sont pas très adaptés aux trottinettes et objets à roulettes en général, pensée pour votre fille ! 😀
Florence S.
merci pour cet article très complet que j’avais déjà lu, mais que je viens de relire en faisant une recherche sur le net sur le pavé de Barcelone… Vos pages sortent souvent parmi les premières dans les résultats et pour cause : on y trouve une mine d’infos aussi utiles que passionnants 🙂
Au plaisir !
Charlotte
Merci Charlotte, je suis ravie que nos articles vous plaisent, d’autant plus s’ils vous font aimer notre jolie ville de plus en plus !!
Au plaisir !
Merci, aujourd’hui justement j’ai photographié de ces pavés que je trouvais sympa ! et en cherchant je trouve votre info merci.
au départ la fleur je pensais à une représentation de la catalogne avec 4 régions différentes.
Merci encore, un lyonnais !
Bonjour Jacques et merci pour votre commentaire ! Je suis ravie que le mystère des jolis pavés de Barcelone soit résolu grâce à cet article. J’imagine que vous avez également remarqué le beau design des pavés du Passeig de Gràcia, non ?
Florence.